Le mariage homosexuel : une liberté individuelle?
Le 16 novembre 2010, la Cour de Cassation (lire l'arrêt ici) avait renvoyé au Conseil constitutionnel les deux questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :
Les articles 144 et 75, dernier alinéa, du code civil sont-ils contraires, dans leur application, au préambule de la Constitution de 1946 et de 1958 en ce qu'ils limitent la liberté individuelle d'un citoyen français de contracter mariage avec une personne du même sexe ?
Les articles 144 et 75 du code civil sont-ils contraires, dans leur application, aux dispositions de l'article 66 de la Constitution de 1958 en ce qu'ils interdisent au juge judiciaire d'autoriser de contracter mariage entre personnes du même sexe ?
En France, les couples de même sexe sont exclus du mariage civil. L'article 144 du code civil stipule que "l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus". Quant au dernier alinéa de l'article 75, il précise que l'officier d'état civil "recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme".
La Cour de Cassation a estimé que cette question mérite d'être posée, "en raison, notamment, de l'évolution des moeurs et de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe dans les législations de plusieurs pays étrangers". Chez plusieurs de nos voisins européens, le mariage est déjà ouvert aux couples de même sexe. Les Pays-Bas, la Belgique et l'Espagne reconnaissent le mariage des homosexuels, tandis que d'autres pays, comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont créé un régime de partenariat qui leur est réservé. Outre-Manche, le Civil Partnership Act donne au partenariat la plupart des conséquences juridiques du mariage : le devoir d'assistance réciproque, les avantages qui découlent du régime de protection sociale, la responsabilité vis-à-vis de l'enfant du conjoint, etc.
En France, l'accès au mariage est un enjeu de taille pour les couples homosexuels, qui souhaitent par ce biais partager l'autorité parentale.
En cas de décès de l'un des partenaires, le survivant ne peut obtenir l'autorité parentale sur l'enfant de la personne décédée. En effet, l’exercice en commun des droits d'autorité parentale n'est possible qu'en cas d’adoption de l’enfant du conjoint. Or, les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ne peuvent pas adopter l'enfant de leur partenaire.
Mais l'Etat est-il tenu d'accorder aux couples homosexuels le droit de convoler?
L'article 9 de la Charte européenne des droits fondamentaux (télécharger en pdf) consacre le droit de se marier ainsi que le droit de fonder une famille. Cependant, il n'existe aucune exigence explicite qui contraindrait les Etats membres à étendre l'application du droit au mariage aux couples de même sexe. Dans l'arrêt Schalk et Kopf c. Autriche (lire en html), la CEDH avait considéré que l'article 12 de la Convention n'oblige pas l'Etat autrichien à autoriser le mariage de deux personnes du même sexe.
C'est pour cette raison que le 28 janvier 2011, le Conseil constitutionnel laissera probablement au législateur le soin de trancher cette question.